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Charles Baudelaire, Les veuves

24.11.2018

Aus: Le Spleen de Paris (Petits Poèmes en Prose)

Vauvenargues dit que dans les jardins publics il est des allées hantées principalement par l’ambition déçue, par les inventeurs malheureux, par les gloires avortées, par les cœurs brisés, par toutes ces âmes tumultueuses et fermées, en qui grondent encore les derniers soupirs d’un orage, et qui reculent loin du regard insolent des joyeux et des oisifs. Ces retraites ombreuses sont les rendez-vous des éclopés de la vie.

C’est surtout vers ces lieux que le poëte et le philosophe aiment diriger leurs avides conjectures. Il y a là une pâture certaine. Car s’il est une place qu’ils dédaignent de visiter, comme je l’insinuais tout à l’heure, c’est surtout la joie des riches. Cette turbulence dans le vide n’a rien qui les attire. Au contraire, ils se sentent irrésistiblement entraînés vers tout ce qui est faible, ruiné, contristé, orphelin.

Un œil expérimenté ne s’y trompe jamais. Dans ces traits rigides ou abattus, dans ces yeux caves et ternes, ou brillants des derniers éclairs de la lutte, dans ces rides profondes et nombreuses, dans ces démarches si lentes ou si saccadées, il déchiffre tout de suite les innombrables légendes de l’amour trompé, du dévouement méconnu, des efforts non récompensés, de la faim et du froid humblement, silencieusement supportés.

Avez-vous quelquefois aperçu des veuves sur ces bancs solitaires, des veuves pauvres ? Qu’elles soient en deuil ou non, il est facile de les reconnaître. D’ailleurs il y a toujours dans le deuil du pauvre quelque chose qui manque, une absence d’harmonie qui le rend plus navrant. Il est contraint de lésiner sur sa douleur. Le riche porte la sienne au grand complet.

Quelle est la veuve la plus triste et la plus attristante, celle qui traîne à sa main un bambin avec qui elle ne peut pas partager sa rêverie, ou celle qui est tout à fait seule ? Je ne sais… Il m’est arrivé une fois de suivre pendant de longues heures une vieille affligée de cette espèce ; celle-là roide, droite, sous un petit châle usé, portait dans tout son être une fierté de stoïcienne.

Elle était évidemment condamnée, par une absolue solitude, à des habitudes de vieux célibataire, et le caractère masculin de ses mœurs ajoutait un piquant mystérieux à leur austérité. Je ne sais dans quel misérable café et de quelle façon elle déjeuna. Je la suivis au cabinet de lecture ; et je l’épiai longtemps pendant qu’elle cherchait dans les gazettes, avec des yeux actifs, jadis brûlés par les larmes, des nouvelles d’un intérêt puissant et personnel.

Enfin, dans l’après-midi, sous un ciel d’automne charmant, un de ces ciels d’où descendent en foule les regrets et les souvenirs, elle s’assit à l’écart dans un jardin, pour entendre, loin de la foule, un de ces concerts dont la musique des régiments gratifie le peuple parisien.

C’était sans doute là la petite débauche de cette vieille innocente (ou de cette vieille purifiée), la consolation bien gagnée d’une de ces lourdes journées sans ami, sans causerie, sans joie, sans confident, que Dieu laissait tomber sur elle, depuis bien des ans peut-être ! trois cent soixante-cinq fois par an.

Une autre encore :

Je ne puis jamais m’empêcher de jeter un regard, sinon universellement sympathique, au moins curieux, sur la foule de parias qui se pressent autour de l’enceinte d’un concert public. L’orchestre jette à travers la nuit des chants de fête, de triomphe ou de volupté. Les robes traînent en miroitant ; les regards se croisent ; les oisifs, fatigués de n’avoir rien fait, se dandinent, feignant de déguster indolemment la musique. Ici rien que de riche, d’heureux ; rien qui ne respire et n’inspire l’insouciance et le plaisir de se laisser vivre ; rien, excepté l’aspect de cette tourbe qui s’appuie là-bas sur la barrière extérieure, attrapant gratis, au gré du vent, un lambeau de musique, et regardant l’étincelante fournaise intérieure.

C’est toujours chose intéressante que ce reflet de la joie du riche au fond de l’œil du pauvre. Mais ce jour-là, à travers ce peuple vêtu de blouses et d’indienne, j’aperçus un être dont la noblesse faisait un éclatant contraste avec toute la trivialité environnante.

C’était une femme grande, majestueuse, et si noble dans tout son air, que je n’ai pas souvenir d’avoir vu sa pareille dans les collections des aristocratiques beautés du passé. Un parfum de hautaine vertu émanait de toute sa personne. Son visage, triste et amaigri, était en parfaite accordance avec le grand deuil dont elle était revêtue. Elle aussi, comme la plèbe à laquelle elle s’était mêlée et qu’elle ne voyait pas, elle regardait le monde lumineux avec un œil profond, et elle écoutait en hochant doucement la tête.

Singulière vision ! « À coup sûr, me dis-je, cette pauvreté-là, si pauvreté il y a, ne doit pas admettre l’économie sordide ; un si noble visage m’en répond. Pourquoi donc reste-t-elle volontairement dans un milieu où elle fait une tache si éclatante ? »

Mais en passant curieusement auprès d’elle, je crus en deviner la raison. La grande veuve tenait par la main un enfant comme elle vêtu de noir ; si modique que fût le prix d’entrée, ce prix suffisait peut-être pour payer un des besoins du petit être, mieux encore, une superfluité, un jouet.

Et elle sera rentrée à pied, méditant et rêvant, seule, toujours seule ; car l’enfant est turbulent, égoïste, sans douceur et sans patience ; et il ne peut même pas, comme le pur animal, comme le chien et le chat, servir de confident aux douleurs solitaires.

 

Die Witwen

Vauvenargues sagt, es gebe in den öffentlichen Gärten Alleen, die hauptsächlich von den Gespenstern des enttäuschten Ehrgeizes heimgesucht werden, von glücklosen Erfindern, von gescheiterten Berühmtheiten, gebrochenen Herzen, von all den aufgewühlten und verschlossenen Seelen, die noch von den ersterbenden Seufzern eines Gewitters brausen und vor den dreisten Blicken der heiteren Müßiggänger zurückweichen. Diese schattigen Rückzugsorte sind die Tummelplätze der Versehrten des Lebens.

Es sind vorzüglich diese Stätten, auf welche Dichter und Philosophen ihre begierigen Vermutungen hinlenken. Dort finden sie üppige Weidegründe. Denn wenn es Orte gibt, die sie zu besuchen verschmähen, sind es, wie ich soeben unterstellt habe, vor allem die Vergnügungsstätten der Wohlhabenden. Dieses Gewoge im Leeren hat nichts Anziehendes für sie. Sie fühlen sich im Gegenteil zu allem hingezogen, was schwach, verfallen, betrübt und verwaist ist.

Ein erfahrenes Auge täuscht sich hierin nie. In diesen starren und niedergeschlagenen Zügen, diesen hohlen und glanzlosen Augen oder Augen, die von den letzten Blitzen des Lebenskampfes funkeln, in diesen Geflechten tiefer Falten, diesem schleppenden und holpernden Gang entziffert es sogleich die zahllosen Legenden von betrogener Liebe, von verkannter Hingabe, von Mühen, denen kein Dank ward, von Hunger und Frost, erduldet in Demut, im Schweigen.

Haben Sie bisweilen verwitwete Frauen auf den einsamen Bänken bemerkt, arme Witwen? Ob sie nun Trauer tragen oder nicht, sie sind leicht zu erkennen. Es liegt ja stets etwas in der Trauer des Armen, was eine Lücke hat, ein Mangel an Harmonie, was sie noch herzzerreißender macht. Mit seinem Schmerz noch muß er knausern. Der Reiche trägt den seinen in einem Prachtgewand.

Welche Witwe ist die traurigste und flößt am meisten Trauer ein, jene, die einen kleinen Jungen an der Hand führt, mit dem sie ihre Träume nicht teilen kann, oder jene, die ganz und gar einsam ist? Ich weiß es nicht … Einmal geschah es mir, daß ich einer solcherart bekümmerten Alten während langer Stunden gefolgt bin. Diese zeigte, steif, aufrecht, unter einem abgenutzten Umhang, in ihrem ganzen Wesen einen stoischen Stolz.

Sie war offensichtlich durch eine vollständige Einsamkeit zur Lebensweise eines alten Junggesellen verurteilt, und die männlichen Züge ihres Betragens umgaben ihre Strenge mit einem Hauch geheimnisvoller Pikanterie. Ich weiß nicht, was sie in welchem elenden Café gefrühstückt hat. Ich folgte ihr in den öffentlichen Lesesaal; ich beobachtete sie lange heimlich, wie sie, mit regen Augen, die einst unter Tränen gebrannt, die Zeitungen mit einem lebhaften Interesse nach Neuigkeiten durchblätterte.

Am Nachmittag schließlich, der zauberhafte Herbsthimmel war einer jener, die Gefühle von Wehmut und Erinnerungen in Fülle herabsinken lassen, da setzte sie sich in den Winkel eines Parks, um, fern der Menge, einem der musikalischen Potpourris zu lauschen, mit denen die Militärkapellen das Volk von Paris bedenken.

Dies war ohne Zweifel die kleine Ausschweifung der alten sündelosen (oder geläuterten) Frau, die Tröstung, die sie sich aufgrund eines dieser schweren Tage ohne Freund, ohne Plauderei, ohne Freude, ohne Vertrauten wohl verdient hatte und die Gott sich auf sie senken ließ, seit vielen Jahren womöglich, dreihundertfünfundsechzigmal im Jahr.

Da war noch eine:

Ich kann nicht davon lassen, einen wenn nicht ganz und gar teilnehmenden, so zumindest neugierigen Blick auf die Menge der Parias zu werfen, die sich an der Umzäunung eines Freiluft-Konzertes drängen. Das Orchester wirft festliche, triumphale oder schwelgerische Klänge an den Abendhimmel. Die Schleppen der Abendkleider glitzern; die Blicke treffen sich; die Snobs, erschöpft vom Nichtstun, stolzieren auf und ab, und geben vor, der Musik keinen Genuß abgewinnen zu können. Hier ist alles Reichtum, alles Glück. Alles haucht und atmet Unbeschwertheit und die Lust zu leben; alles, ausgenommen der Anblick der Menge, die sich dort gegen die Absperrung lehnt und dank des Windes Fetzen der Musik erhascht und Blicke auf den Funkenflug aus dem inneren Glutofen.

Es ist immer bemerkenswert, was sich von der Lust des Reichen im Auge des Armen widerspiegelt. Doch an diesem Tag sah ich unter diesem Volk in seinen groben Arbeitskitteln ein Wesen, dessen Vornehmheit von all der Trivialität seiner Umgebung stark abstach.

Es war eine große Frau, hoheitsvoll und nobel in ihrer ganzen Ausstrahlung, wie ich ihresgleichen mich nicht erinnere, unter den Ansammlungen aristokratischer Schönheiten der Vergangenheit gesehen zu haben. Ein Duft unnahbarer Tugend entströmte der ganzen Person. Ihr Gesicht, traurig und eingefallen, war in vollkommenem Einklang mit der Trauer, in die sie gehüllt war. Auch sie blickte wie das Volk, unter das sie sich gemischt hatte, ohne es zu beachten, mit einem tiefen Blick auf die strahlende Welt und lauschte, das Haupt sachte wiegend.

Sonderbare Erscheinung! „Gewiß“, sagte ich mir, „sollte diese Armut, so sie Armut denn ist, dem schmutzigen Reichtum keinen Zugang gewähren. Dafür bürgt mir solch ein edles Antlitz. Weshalb verharrt sie wohl freiwillig in einer Umgebung, in der sie einen so auffälligen Makel bildet?“

Indes, als ich neugierig nah an ihr vorüberging, glaubte ich den Grund zu erraten. Die großgewachsene Witwe hielt einen Knaben an der Hand, schwarz gekleidet wie sie selbst. So gering der Eintrittspreis auch gewesen sein mag, das Geld mochte wohl reichen, dem Kleinen etwas Lebensnotwendiges zu kaufen oder besser noch etwas Überflüssiges, ein Spielzeug.

Sie wird zu Fuß nach Hause gegangen sein, sinnend und träumend, einsam, stets einsam; denn das Kind ist wild, selbstsüchtig, ohne Zartsinn und ohne Geduld; es vermag nicht einmal, wie das unschuldige Tier, der Hund oder die Katze, der Bundesgenosse einsamer Leiden zu sein.

 

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