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Entretien avec Jean Raspail (mit deutscher Übersetzung)

13.03.2015

Jean Raspail, qui vient de recevoir le prix littéraire Jacques Audiberti de la ville d’Antibes, est l’un de nos écrivains les plus singuliers. Du Camp des saints au Jeu du roi en passant par L’Anneau du pêcheur, son oeuvre aristocratique et populaire scelle chez ses lecteurs des fraternités secrètes autour de valeurs nobles : l’amitié, la fidélité, l’honneur. S’il célèbre la puissance du rêve et la force du merveilleux, Jean Raspail est aussi de ces écrivains lucides qui ne peuvent adhérer à leur époque.

Opinion Indépendante : Vous venez de recevoir le Prix Jacques Audiberti. Vous sentez-vous proche de l’univers de cet écrivain ?

Jean Raspail : Je l’ai lu autrefois au début des années 50. Au même moment, j’ai vu aussi ses pièces. C’était une époque épatante car il y avait Audiberti mais aussi Anouilh, Marcel Aymé. Mais quant à dire que je suis familier de l’univers de Jacques Audiberti, non.

Vos héros romanesques sont des solitaires, des individualistes qui fuient la loi du troupeau en s’élevant contre la notion de “collectivité”. N’avez-vous pas l’impression qu’aujourd’hui l’individu est “roi”, qu’il y a eu une formidable atomisation et que le collectif a disparu ?

Si l’individu est devenu roi, il n’a pas de royaume… Je ne crois pas à l’individualisme de maintenant. Tout le monde se ressemble de plus en plus. Les mentalités sont nivelées et il n’y a jamais eu autant de conformisme qu’aujourd’hui. Je ne parle même pas du “politiquement correct” et de toutes les tartes à la crème qui se baladent. Il est très difficile de s’opposer à ce genre de choses et à ce collectivisme rampant de la pensée parce qu’immédiatement le choeur des gardiens de la conscience universelle vous tombe dessus ! L’individu se replie sur lui-même mais c’est d’une façon égoïste. Il se replie sur lui-même mais il est excatement semblable à celui qui est à côté. Donc c’est de la blague ! Tout le monde pense de la même façon.

Lorsque Le Camp des saints a été publié en 1973, beaucoup ont dit que ce roman était prophétique. Avez-vous le sentiment que ce que vous décriviez est arrivé ?

Non, pas du tout. En fait, ce n’est pas un livre prophétique. C’est une sorte de symbole ou de parabole. Si on prend le récit au pied de la lettre, je me suis trompé puisque cet envahissement pacifique de l’Occident par le Tiers-Monde se produisait avec l’arrivée subite par bateaux de trois millions de personnes. Cela ne se passe pas du tout de cette façon-là. D’autre part, Le Camp des saints se déroulait dans une unité de temps et de lieu. Aujourd’hui, ces mouvements se produisent sur de longues distances. C’est pour cela qu’il faut prendre le livre pour une parabole. En revanche, ce qui reste important dans ce roman ce sont les réactions de l’Occident. Ces réactions sont presque toutes foireuses. Il y a une espèce de paralysie de l’action et de la pensée car on ne peut pas s’opposer à des gens pauvres et affamés. C’est ça le thème. Il n’est ni chrétien ni charitable de s’opposer. Au nom de quoi ? Or, on pourrait penser que si l’on veut s’y opposer – pour des raisons bonnes ou mauvaises – on a le droit de le faire. Il y a autant de raisons de se défendre que de raisons de lâcher. Là où Le Camp des saints a une certaine valeur prophétique c’est qu’il a anticipé les réactions d’aujourd’hui.

Dans vos romans, on trouve une recherche ou une célébration – parfois teintée de mélancolie – d’un monde perdu, d’un royaume souvent imaginaire. Cette célébration, de ce qui n’est pas ou qui n’est plus, semble paradoxalement plus vivante et plus tonique que la croyance au paradis à venir …

Dans mes romans, les gens vont chercher ailleurs et ailleurs il n’y a rien. Puis, il y a une sorte de dernier carré formé par des gens qui ont du panache… Et tout cela ne sert plus à rien.

Quels sont les écrivains ou la famille d’écrivains dont vous vous sentez proche ?

Si on me demande qui a bien pu influencer mes livres, j’en citerais un : Buzzati avec Le désert des Tartares. Mais honnêtement, je crois que je suis assez original. Il est difficile – à part Buzzati à qui personne ne pense à mon propos – de m’accrocher à qui que ce soit. Il peut y avoir chez moi, comme chez d’autres, un peu de Déon, un peu de Jacques Perret, un peu du grand maître Chateaubriand, un peu de Stendhal… On est nourri d’une certaine culture mais je pense que je ne ressemble pas à d’autres.

Dans Le jeu du roi, il y a une expression qui définit bien votre univers, c’est “orphelins du rêve”. Rencontrez-vous encore de ces orphelins du rêve ?

Il y a moi ! Nous sommes dans un monde où il est très difficile de se projeter dans une existence rêvée. Je ne parle pas du rêve du type qui pense qu’il va gagner au loto. Ce monde-ci ne permet pas du tout le rêve. Ce qui explique tout ce désarroi, dans la jeunesse en particulier. C’est quand même épatant d’avoir été jeune il y a une centaine d’années quand ce monde s’ouvrait complètement, où l’on pouvait découvrir je ne sais quoi, où il y avait des terres à prendre de partout… C’était extraordinaire ! Aujourd’hui, le seul rêve de conquête ou de dépassement complet c’est l’espace – qui est un univers de machines – ou alors la vie mystique intérieure. Je n’en vois pas d’autres. On ne sait plus où projeter nos rêves. En écrivant mes livres, je me raconte des histoires à moi-même. Mes livres racontent à peu près la même histoire : la recherche d’un rêve absolument irréalisable.

Si vous aviez pu vivre à une autre époque, quel siècle auriez-vous choisi et d’autre part n’auriez-vous pas tout de même ressenti ce sentiment d’exil que l’on trouve dans votre oeuvre ?

Je pense que le XVIIIème et le XIXème étaient parmi les siècles les plus extraordinaires… J’aurais peut-être choisi le XIXème car on était encore dans un monde qui était ouvert. On était dans une civilisation très ancienne mais on sentait poindre les moyens modernes sans qu’ils nous domestiquent comme maintenant.

L’imaginaire n’est-il pas une arme qui permet d’échapper à tout et d’entrer partout ?

Oui, certainement. C’est comme cela qu’on se sauve. On fuit, on s’en va. C’est ce qui fait la grande chance du romancier. J’aime m’échapper dans le rêve.

Certains de vos lecteurs se sont appropriés la Patagonie mythifiée de vos romans. N’est-ce pas la plus belle reconnaissance pour un romancier ?

Oui, bien sûr. Il y a même un Consulat général de Patagonie. Chacun rêve comme il veut de la Patagonie. C’est un mythe et donc on en fait ce qu’on veut. Peut-être que je réponds à un besoin d’évasion et de merveilleux qui se trouve chez certaines natures bien nées…

L’Opinion Indépendante, 15. Octobre 1999
Propos recueillis par Christian Authier

 

Gespräch mit Jean Raspail

Jean Raspail, der soeben den literarischen Prix Jacques Audiberti der Stadt Antibes empfangen hat, ist einer unserer eigentümlichsten Schriftsteller. Von seinem Buch „Le camp des saints“ (Heerlager der Heiligen, Tübingen 1985) über „Lʼanneau du pêcheur“ bis zu „Jeu du roi“ schwört sein aristokratisches und volkstümliches Werk seine Leser auf vornehme Werte ein: Freundschaft, Treue, Ehre. Wenn er die Macht des Traumes und die Kraft des Wunderbaren hochleben lässt, gehört auch Jean Raspail zu jenen erleuchteten Autoren, die dem Geist ihrer Epoche fernstehen.

Opinion Indépendante: Sie haben soeben den Prix Jacques Audiberti erhalten. Fühlen Sie sich dem Universum dieses Schriftstellers verbunden?

Jean Raspail: Ich habe von ihm vor meinem fünfzigsten Lebensjahr nichts gelesen. Zu jener Zeit habe ich auch seine Stücke gesehen. Das war eine erstaunliche Zeit, da war nicht nur Audiberti, sondern auch Anouilh und Marcel Aymé. Aber es wäre unrichtig zu sagen, ich würde mich mit der Welt von Jacques Audiberti verwandt fühlen.

Opinion Indépendante: Ihre Romanhelden sind einsam, es sind Individualisten, die das Gesetz der Herde fliehen und sich gegen den Begriff des Kollektivs stellen. Haben Sie nicht den Eindruck, dass heutzutage das Individuum König ist, dass wir unter einer ungeheuren Atomisierung leiden und das Kollektiv verschwunden ist?

Jean Raspail:
Wenn das Individuum König geworden ist, dann gibt es kein Königtum … Ich glaube nicht an den heutigen Individualismus. Alle Welt ähnelt sich mehr und mehr. Die Denkungsarten haben sich einander angeglichen, solch einen Konformismus wie heute gab es noch nie. Ich spreche gar nicht von der politischen Korrektheit und all den süßen Lügen, die man verabreicht. Es ist nicht leicht, sich gegen solche Tendenzen zu stemmen und einen solchen Kollektivismus, der sich ins Denken einschleicht, denn gleich will dir der Chor der Wächter des Weltgewissens ans Leder! Das Individuum zieht sich in sich zurück, aber das ist nur ein Ausdruck von Egoismus. Es kapselt sich von der Außenwelt ab, aber gleicht seinem Nachbarn wie ein Ei dem anderen. Es ist doch ein Witz! Alle Welt denkt dasselbe.

Opinion Indépendante: Als der Roman „Le Camp des saints“ 1973 erschien, dachten viele, es handele sich um eine Prophetie. Haben Sie den Eindruck, dass ihre Voraussagen eingetreten sind?

Jean Raspail: Nein, überhaupt nicht. In Wahrheit handelt es sich nicht um ein prophetisches Buch. Es ist vielmehr eine Allegorie oder Parabel. Wenn man die Geschichte wörtlich nähme, hätte ich mich geirrt, denn jene Invasion des Abendlandes durch die Dritte Welt über den Atlantik sollte ja eine plötzliche Ankunft von drei Millionen Personen auf Frachtschiffen sein. Solche Dinge pflegen nicht auf diese Weise zu geschehen. Andererseits spielt sich das Geschehen des Romans in einer Einheit von Raum und Zeit ab. Heutzutage geschehen diese Bewegungen über lange Zeiträume hinweg. Deshalb sollte man das Buch als Parabel verstehen. Hingegen bleibt in diesem Roman von hoher Relevanz, wie das Abendland reagiert. Beinahe all seine Reaktionen sind feige. Alle sind wie paralysiert und unfähig zu handeln und einen klaren Kopf zu bewahren, denn wie sollte man sich gegen arme und ausgehungerte Menschen stellen? Darum geht es. Opposition gilt in diesem Falle weder als christlich noch als barmherzig. In wessen Namen? Indes, man könnte wohl meinen, dass man das Recht habe, sich der Invasion entgegenzustemmen, wenn man es aus mehr oder weniger guten Gründen in Erwägung zieht. Zumindest gibt es genauso viele Gründe sich zu wehren wie Gründe, den Kopf in den Sand zu stecken. Der Roman „Le Camp des saints“ hat genau darin einen gewissen prophetischen Wert, dass er die heutigen Reaktionen vorwegnimmt.

Opinion Indépendante: In Ihren Romanen findet man eine manchmal mit Wehmut vermischte Suche oder Verherrlichung einer verlorenen Welt, eines oft imaginären Königtums. Diese Verherrlichung dessen, was es nicht oder nicht mehr gibt, scheint paradoxerweise lebendiger und kraftvoller zu sein als der Glaube an das kommende Paradies …

Jean Raspail: Es gibt in meinen Romanen die Leute, die anderswo suchen, doch anderswo gibt es nichts. Dann gibt es die Leute, die sich in einem letzten Quartier zusammenscharen, Leute mit Courage … Und all das fruchtet nichts.

Opinion Indépendante: Welchen Schriftstellern oder Schriftstellerkreisen fühlen Sie sich verwandt?

Jean Raspail:
Wenn man mich fragt, wer meine Bücher beeinflussen konnte, nenne ich vor allen Buzzati mit seinem Buch „Le désert des Tartares“. Aber ganz unter uns: Ich glaube, ich bin ein waschechtes Original. Es ist nicht leicht, mich mit wem auch immer in einen Topf zu werfen, ausgenommen Buzzati, auf den keiner kommt, wenn es um mich geht. Es mag bei mir wie bei anderen etwas von Déon, etwas von Jacques Perret geben, ein wenig vom großen Meister Chateaubriand, ein wenig von Stendhal … Man ist ja mit einer gewissen Kultur genährt worden, aber ich meine anderen nicht ähnlich zu sein.

Opinion Indépendante: Es gibt im Roman „Das Spiel des Königs“ einen Ausdruck, der ihr literarisches Universum gut definiert: „Waisen des Traums“. Begegnen Sie solchen Waisen des Traums noch heute?

Jean Raspail: Es gibt ja mich! Wir leben in einer Welt, in der man sich nicht mehr einfach in ein Traumland flüchten kann. Ich rede nicht von Leuten, die davon träumen, im Lotto zu gewinnen. Diese unsere Welt duldet keine Träume mehr. Das erklärt die ganze Verzweiflung, vor allem in der Jugend. Es ist dennoch erstaunlich, wenn man vor einem Jahrhundert jung gewesen ist, stand diese Welt allem offen, man konnte was auch immer entdecken, man konnte überall neue Länder erobern … Das war außergewöhnlich! Heute bezieht sich der Traum von der Eroberung oder der Überschreitung einzig auf den Raum, und dies ist ein Universum von Maschinen, oder er bescheidet sich mit dem mystischen Leben der Innerlichkeit. Andere Wege sehe ich nicht. Wir wissen nicht mehr, wohin mit unseren Träumen. Wenn ich schreibe, erzähle ich mir selbst Geschichten. Meine Bücher erzählen fast immer dieselbe Geschichte: die Suche nach einem Traum, der vollkommen unerreichbar bleibt.

Opinion Indépendante: Wenn Sie in einer anderen Epoche hätten leben können, welche hätten Sie gewählt, und hätten Sie auf der anderen Seite jenes Gefühl des Exils, das man in Ihrem Werk antrifft, gar nicht mehr empfunden?

Jean Raspail: Ich glaube, das 18. und 19. Jahrhundert waren die außergewöhnlichsten Jahrhunderte … Ich hätte vielleicht das 19. Jahrhundert gewählt, denn damals lebte man noch in einer offenen Welt. Man befand sich in einer sehr alten Kultur, doch spürte man, wie die modernen Zeiten heraufzogen, ohne dass sie uns wie heute versklavten.

Opinion Indépendante: Ist nicht das Imaginäre eine Waffe, mit der man überallhin fliehen und überallhin gelangen kann?

Jean Raspail: Ja, gewiss. Es ist so, dass man sich rettet. Man flüchtet, man macht sich davon. Das macht das große Glück des Romanciers aus. Ich liebe es, mich in den Traum zu flüchten.

Opinion Indépendante: Einige Ihrer Leser haben sich das mythifizierte Patagonien Ihrer Romane einverleibt. Ist das nicht die schönste Anerkennung für einen Romancier?

Jean Raspail: Ja, ganz bestimmt. Es gibt sogar einen Generalkonsul Patagoniens. Ein jeder träumt von Patagonien, wie er will. Es ist ein Mythos und deshalb macht man daraus, was man will. Mag sein, dass ich ein eskapistisches Bedürfnis befriedige und den Wunsch nach Wundern, der sich bei bestimmten hochgeborenen Naturen findet …

Opinion Indépendante, 19. Oktober 1999
Das Gespräch wurde aufgezeichnet von Christian Authier.

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